Un « lifting » pour espérer trouver de nouvelles particules voire expliquer la matière noire, une des grandes énigmes de l’Univers: six ans après la découverte historique du boson de Higgs, le plus grand accélérateur de particules au monde profite d’une pause pour augmenter sa puissance.
Les collisions de protons se sont tues dans les entrailles du LHC du CERN (Organisation européenne pour la recherche nucléaire), le temple mondial de l’infiniment petit: le gigantesque anneau de 27 km, enfoui à 100 mètres sous terre à la frontière franco-suisse, est en arrêt technique depuis décembre 2018.
Mais en sous-sol comme en surface, c’est l’effervescence. Les grands travaux d’amélioration entrepris en ce temps de repos doivent aboutir avant le redémarrage du LHC (Large Hadron Collider), au printemps 2021.
« On croise les doigts, tout doit être prêt en même temps ! », lance Christophe Delaere, chercheur belge au Fonds de la recherche scientifique (FNRS), en montrant fièrement les nouvelles pièces de CMS, l’un des quatre détecteurs installés à différents endroits du tunnel d’accélération.
Niché dans une caverne parmi un réseau dantesque de câbles, cet immense chasseur de particules de 14 000 tonnes s’entraîne « à blanc » sur des muons, des rayons cosmiques accélérés à l’état naturel.
Les équipes du CERN peuvent ainsi tester les avancées dans la résolution de la machine, qui fonctionne comme un appareil photo géant.
« Ça va cracher ! »
Les détecteurs doivent être prêts à lire une masse de données bien plus grande, l’objectif étant de multiplier par dix le nombre de collisions au sein du LHC.
Cette montée en puissance sera progressive: une première phase de 2021 à 2025, puis, après un nouvel arrêt, une augmentation drastique de l’énergie de l’infrastructure à partir de 2027. Un projet appelé « haute luminosité », et dont le coût s’élève à environ 1,5 milliard d’euros (environ 1,6 G$).
« On va faire un saut gigantesque... ça va cracher ! », s’enthousiasme Frédérick Bordry, directeur des accélérateurs et de la technologie au CERN.
Les protons (particules du noyau de l’atome) voyageaient jusqu’ici par paquets de 100 milliards à travers les tuyaux du LHC, « compactés dans un volume plus petit qu’un cheveu », explique Jean-Philippe Tock, ingénieur.
Mais le taux de collision, à 13 TeV (téraélectronvolts), était faible. Avec la haute luminosité, le CERN vise 180 milliards de protons par paquet, à 14 TeV.
« Plus on aura de collisions, plus on pourra mettre en évidence des phénomènes rares », explique Frédérick Bordry.
Particules supersymétriques
Car après la découverte révolutionnaire du boson de Higgs, clé de voûte du modèle standard de la physique des particules, le LHC entame une nouvelle phase d’exploration.
Il doit d’abord apprendre à détailler le mécanisme de cette particule ultime qui confère leur masse à toutes les autres. « Ce n’est pas parce qu’on a découvert le boson qu’on le connaît bien », analyse Gaëlle Boudoul, responsable de recherche au CNRS.
Mais le futur LHC vise surtout à établir une nouvelle physique, au-delà du modèle standard.
« Ce modèle fonctionne bien, mais on a des raisons de croire qu’il est insuffisant et qu’il y aurait de nouvelles particules observables », décrypte Laurent Vacavant, de l’Institut de physique des particules.
Le rêve pour les chercheurs serait d’accéder au Graal de la physique fondamentale: les particules supersymétriques, prédites par la théorie, mais jamais mises en évidence. Elles pourraient notamment véhiculer la matière noire, grande inconnue de l’Univers - une masse invisible peuplant nos galaxies, mais aux effets inexpliqués.
Sans doute trop lourdes pour avoir pu être observées à 13 TeV, les particules supersymétriques auront plus de chances de l’être à 14 TeV. « Ce serait alors une ouverture aussi majeure que le boson ! », espère Gaëlle Boudoul.
« Mais en construisant le LHC, on savait dans quelle gamme d’énergie le boson de Higgs il pouvait se trouver. Avec les particules supersymétriques, on est plus dans le flou. Si elles sont à des masses à l’échelle de 100, le LHC ne les trouvera jamais », conclut-elle.
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