Au mois d’août dernier, Christine veut aller voir les baleines à cap de Bon-Désir avec ses fils de dix et treize ans. Elle loue un Jeep à une femme de Montréal, par l’entremise de l’application Turo, populaire au Québec avec plus 3000 véhicules et plus de 75 000 utilisateurs inscrits après seulement deux ans d’opération. La petite famille frôle la mort parce que les pneus sont usés à la corde. À qui la faute ?
Presque tout le voyage, pas de pluie. Dès la première goutte sur le chemin du retour, près de La Malbaie, les roues arrière dérapent. L’embardée survient dans une courbe sans terre plein flanquée d’une falaise et d’un ravin : Christine me le montre dans Google Street View. «Le Jeep s’est retrouvé perpendiculaire à la route et dans la voie contraire. Heureusement qu’aucune voiture n’arrivait en sens inverse.»
Le plus vieux des garçons, tétanisé, reste silencieux ; le plus jeune hurle «Maman qu’est-ce que tu fais?» «J’ai donné quelques coups de volants pour retrouver la maîtrise du véhicule. J’ai pensé : Je suis avec mes fils, ça ne peut PAS arriver.» Christine aime à croire que son amour pour ses enfants l’a gardée sur la route.
Pneus finis
Quelques minutes plus tard – ça tombe bien –, elle croise un Canadien Tire. «Les garagistes m’ont dit n’avoir jamais vu de pneus aussi usés. Un peu d’humidité suffisait pour que ça glisse.» Christine appelle la propriétaire du véhicule – nommons-la Isabelle* (pseudonyme) –, lui explique la situation, exige des explications et lui fait parler aux garagistes.
Un utilisateur précédent de Jeep s’était-il amusé à faire des burns? «Isabelle se disait vraiment désolé et affirmait n’avoir aucune idée de l’état des pneus... Dans le brouhaha du chargement des bagages avec les enfants, je ne les avais pas inspectés d’assez près.»
Turo n'est pas le bon Dieu
Graphiste sans contrat régulier, la propriétaire du Jeep arrondit ses fins de mois en louant son véhicule (ce qui rapporte en moyenne 465$ par mois, selon Turo). «Isabelle m’a remboursé le prix des pneus neufs et me demandait de ne pas la dénoncer. J’ai accepté parce que je ne voulais pas la priver de revenu.» Assez paradoxalement, Christine va alors 1) se désabonner de Turo parce qu’elle juge ce service dangereux et 2) laisser un bon commentaire à Isabelle pour ne pas lui nuire.
Tout se passe à l’insu de Turo qui n’est averti ni du dérapage, ni du changement de pneus (remboursé à la voyageuse par son hôte). Le Jeep continue de rouler sans problème avec ses pneus neufs. Après l’entrevue pour cette chronique, Christine écrit sa mésaventure à Turo qui lui rembourse la moitié du prix de son voyage. «Si elle avait refusé le Jeep en voyant l’état des pneus, un employé se serait arrangé pour lui offrir le plus rapidement possible un véhicule de remplacement sans frais» me dit Clément Mathieu, le directeur de Turo Canada. Bref, Turo n'est pas Dieu le Père : ne sait pas tout, ne voit pas tout. Quelqu'un pourrait vous louer une voiture mal en point, alors... vigilance.
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