14/03/2018 | Accueillir cette compétition internationale de robotique, c'est l'ambition de Bordeaux en 2020. Elle réfléchit actuellement à la stratégie à mettre en place pour y parvenir.
C'était en 2016 et 2017 : l'équipe bordelaise Rhoban (portée par le LaBRI, le CNRS et l'Enseirb-Matmeca) remportait le titre de championne du monde dans la ligue de football humanoïde. À partir d'un simple tweet, l'idée d'organiser la Robocup à Bordeaux naît de l'une de ces victoires. Trois ans plus tard, la théorie est passée à la pratique. Hier soir, une présentation "officielle" a été l'occasion de constater que l'écosystème local s'organise pour faire de Bordeaux la ville officielle de cette manifestation en 2020. Même si le chemin sera encore long, la candidate dévoile ses atouts.
Objectif 2020
Comme nous avons déjà pu le constater en décembre dernier, la Robocup est, en plus de mobiliser une somme de travail importante pour l'enseignant-chercheur Olivier Ly, un vrai boulot de passionné. En 2017, l'équipe du LaBRI a donc remporté 4 à 0 la coupe du monde de foot de robots humanoïdes face à une équipe chinoise à Nagoya, au Japon. Cette internationalisation est évidemment importante au moment de constater que de nombreux acteurs bordelais de la recherche, des entreprises et des institutions publiques, supportent déjà la candidature de la ville pour accueillir la manifestation en 2020. Car la Robocup n'est évidemment pas uniquement une compétition de foot robotique. Née en 1996 du cerveau d'un scientifique japonais, Hiroaki Kitano, afin de mettre en avant le monde de la recherche robotique, elle a depuis gagné en dimension : 450 équipes de chercheurs, entreprises, ou étudiants issues de 45 pays s'y affrontent au travers de 5000 robots, dont Rhoban n'est que l'un des maillons. Les robots sauveteurs, l'aide à la personne ou la logistique industrielle en forment, au travers d'autant de ligues constituées) les autres disciplines. À ses débuts déjà, elle visait un objectif assez dingue : rendre une équipe de robots capables de vaincre les champions du monde de foot... humains, ce qui implique évidemment une avancée considérable dans la recherche et dans la formation de l'écosystème local pour rendre ces petits robots totalement autonomes.
Sans brûler les étapes, disons simplement que les victoires de l'équipe bordelaise ont donné des envies à l'écosystème local, dont la plus ambitieuse est évidemment de se porter candidate à l'organisation de la Robocup en 2020, censée accueillir chaque année environ 40 000 visiteurs. Pour rendre cette ambition possible, il fallait d'abord parler au nom d'un comité officiel. C'est chose faite : depuis la fin du mois de janvier, la fédération internationale a validé la création de Robocup France, ce qui a évidemment pour but de rendre le comité français piloté par Dominique Duhaut (professeur à l'Université de Bretagne-Sud, membre fondateur du comité international et déjà organisateur de la Robocup en 1998 à Paris) et Olivier Ly un peu plus légitime. Le 15 février dernier, le comité a déposé officiellement son dossier de candidature : chargé de montrer Bordeaux sous ses plus beaux atours, ce livret de 124 pages révèle les premiers plans et schémas logistiques du projet local, censé être déployé au Parc des Expositions sur quatre jours pour ce qui est des compétitions ouvertes au public et à l'Université pour le symposium terminant traditionnellement la manifestation. Le tout pourrait se dérouler sur les derniers jours de juin (entre le 23 et le 29). "Elle va bientôt statuer. On ne sait pas encore qui sont nos concurrents, on est un peu anxieux. Mais ça nous pousse à développer une vraie communauté" confirme Olivier Ly.
Lobbying national
Aussi belle que soit la promesse, Bordeaux ne pourra bien entendu pas concourir seule dans cette aventure. Bien consciente de la chose, elle s'est adjoint de nombreux partenaires et soutiens, financiers ou non, le comité organisateur étant actuellement en sérieuse phase de recherche pour les multiplier et faire pencher la balance en leur faveur. Localement, la Région Nouvelle Aquitaine, Bordeaux Métropole et l'ensemble des acteurs de l'Université de Bordeaux (l'IUT, le LaBRI, Bordeaux INP et on en passe) se sont déjà engagés : l'enveloppe financière des partenaires publics, pour l'instant, se monterait entre 150 et 200 000 euros selon Alexandre Fruchet, co-pilote des différentes manifestations organisées par l'Université. "Pour le moment, 80% du financement provient des institutionnels. L'objectif à atteindre, c'est que ce soit équitable". Car les partenaires industriels privés sont aussi les bienvenus : EDF, Clairsienne ou Enedis ont déjà signé en tant que "parrains" officiels de la candidature bordelaise à différents palliers, qui peuvent atteindre les 100 000 euros pour des partenaires "majeurs", comme on le voit dans le dossier de partenariat.
Les ambitions nationales sont également de la partie du côté des institutionnels : L'Université de Bretagne Sud, celle de Toulon, de Rouen ou Polytech Lille font déjà partie des soutiens affichés. Toutes ont un intérêt à y participer, qui passe notamment par l'organisation des premiers évènements censés fédérer cette nouvelle communauté ayant 2020 dans son viseur : un "Open Humanoid Soccer" en avril à Brest, un open "Home" (robots domestiques) à Grenoble en novembre ou encore la participation d'équipes françaises au Robocup German Open fin avril. Dans le dossier de candidature, une lettre datant du 9 février 2018 et signée par le Secrétaire d'État chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi, précise d'ailleurs que le "développement d'une filière robotique fait partie des objectifs de la Solution Objets Intelligents de la Nouvelle France Industrielle (NFI), en raison des enjeux en termes de marché estimé à 100 milliards d'euros en 2020 par la Commission Européenne mais aussi en termes de compétitivité et de réponses aux défis sociétaux de demain dans de multiples secteurs". Vous l'avez sans doute compris, les robots français ne courent pas que derrière un ballon.
Des robots pour les juniors
Le dernier défi à relever n'est pas des moindres : réussir à constituer des équipes juniors capables de participer et réussir, pourquoi pas, à transformer cette participation en vocation. "La Robocup est à la fois un support et un prétexte pour intéresser les jeunes aux sciences", souligne d'ailleurs Jérôme Laplace, fondateur de Génération Robots, entreprise reconnue au niveau Européen dans le domaine de la vente en ligne de robots programmables. Une opération "tout bénef'" pour le Rectorat et les acteurs de l'éducation, suscitant même des propositions, comme celle d'Alain Turby, conseiller délégué à Bordeaux Métropole en charge du numérique, qui ne cache pas vouloir proposer aux "mairies qui ont des compétences en matières d'école un socle commun de connaissances robotiques et des manoeuvres incitative pour y faire participer les jeunes".
Pour cela, Bordeaux mise déjà sur un premier coup d'essai : l'organisation d'une première "Robocup Junior" du 3 au 5 mai, au sein de laquelle 500 enfants ont déjà constitué une soixantaine d'équipes au sein d'une vingtaine de collèges et cinq lycées sur tout le territoire de l'ancienne Aquitaine, avant de déployer l'idée jusqu'aux nouvelles frontières régionales : "les douze départements de Nouvelle Aquitaine doivent être associés à cette démarche", souhaite d'ailleurs Bernard Uthurry, vice-président régional en charge du développement économique. La constitution des équipes juniors s'est d'ailleurs déjà dotée d'un "plan de développement", visant la formation de 400 équipes à l'horizon 2030 et d'une centaine en 2020. Cette "Open Robocup" académique se déroulera à l'Enseirb-Matmeca de Talence et mènera les trois meilleures équipes à participer à la véritable Robocup, déjà programmée du 18 au 22 juin à Montréal, au Canada. Cette émulation suffira-t-elle à faire de Bordeaux la lauréate de l'édition 2020 ? Le verdict sera donné par le comité international le 22 juin prochain.
Par Romain Béteille
Crédit Photo : RB
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