Installés dans une salle tranquille des bureaux de Sabotage Studio, la voix de Martin Brouard, cofondateur de l’entreprise derrière The Messenger, résonne.
Rien ne laisse présager qu’à quelques mètres seulement de là, une équipe de passionnés se démène joyeusement, continuant de bonifier une aventure rétro qui en donne déjà beaucoup aux fans du genre.
«On serait fou d’avoir un jeu qui est aussi bien coté, mais de le laisser sur la tablette et de passer à un autre projet tout de suite. [...] C’est important pour nous de mettre beaucoup d’amour dans ce titre-là», lance le producteur exécutif de Sabotage, assis devant une immense toile à l’effigie du jeu en question.
The Messenger, c’est une première production pour l’entreprise installée dans Saint-Roch, à Québec, mais c’est aussi déjà un immense succès critique, encensé par une communauté grandissante de gamers.
Pour en arriver là, Sabotage a voyagé à travers le monde et a trimé dur au cours d’une dernière année de travail sur The Messenger, une année qui n’avait d’ailleurs rien de conventionnel pour le commun des mortels.
Après un partenariat tant souhaité avec l’éditeur américain Devolver et le géant Nintendo, l’équipe québécoise s’est lancée dans une intense tournée promotionnelle qui l’a vu récolter plusieurs prix Best of Show, en plus de susciter rapidement un solide enthousiasme auprès du public.
Chose certaine, la suite n’a pas déçu les artisans de Sabotage.
Meilleur premier jeu par un studio indépendant aux derniers Game Awards, des moyennes de 86 % (Switch) et 83 % (PC) sur l’agrégateur de critiques Metacritic et des évaluations qualifiées comme «extrêmement positives» sur Steam: The Messenger a été accueilli en grand par le milieu.
Le jeu a même été salué chaleureusement par les créateurs de l’indémodable série Ninja Gaiden, l’une des inspirations phares du directeur créatif et autre cofondateur de Sabotage, Thierry Boulanger.
Bref, avec de telles éloges, on peut comprendre le studio québécois de vouloir continuer à alimenter le succès de son premier opus.
«On pense qu’on est capable d’avoir plus de joueurs dans la deuxième année de vie du jeu que dans la première, mais, pour ça, il y a énormément de travail à faire», soutient Martin. Si bien que 90 % de l’équipe de Sabotage travaille encore sur du contenu pour The Messenger.
Les joueurs ont d’abord eu un avant-goût du service après-vente du studio avec une mise à jour importante en novembre dernier, apportant différentes améliorations comme un nouveau mode New Game+ et des contrôles modifiables.
Toutefois, le vrai «gros morceau» paraîtra au cours des prochains mois sous la forme d’un massif DLC gratuit intitulé Picnic Panic, comptant trois grands niveaux avec de nouvelles mécaniques de jeu en prime.
Cette idée de maximiser le potentiel de leur première création et, par le fait-même, de soutenir et de redonner à la communauté qui s’est bâtie autour de The Messenger est primordiale pour Sabotage.
«L’idée, c’est de montrer qu’on est une marque qui veut toujours y aller pour la top qualité et le polish. [...] Ça fait à peu près 10 ans que tout le monde dans l’équipe fait des jeux. On a beaucoup d’expérience, mais c’était notre premier en tant que Sabotage. Il fallait faire nos preuves», précise Martin.
Une philosophie punk
Outre The Messenger, Sabotage est connu pour sa philosophie inspirée du mouvement punk, notamment pour ses réflexes DIY (Do It Yourself).
C’est justement une passion commune pour NOFX qui a d’abord rapproché Martin et Thierry lors qu’ils œuvraient pour leur ancien employeur, Frima.
«On s’est rendu compte qu’on se rejoignait sur la musique que l’on aimait, mais aussi sur toute la philosophie qui vient avec le mentalité punk: [se soucier] des autres et essayer de ne pas avoir une grosse tête», se souvient Martin.
La paire a donc tenté d’établir une hiérarchie aussi horizontale que possible au sein de leur studio.
«Thierry dit toujours qu’il est le boss... pour ne pas qu’il y ait de boss! C’est aussi très démocratique. Oui, ça prend quelqu’un pour trancher et pour prendre des décisions, mais c’est presque toujours après une consultation de l’équipe», ajoute le producteur exécutif de Sabotage.
Ce dernier soutient par ailleurs que même si l’argent demeure une variable inévitable pour un développeur, cette philosophie inspirée du punk pousse l’équipe à créer des jeux en ayant les joueurs en tête, et ce, bien avant le profit.
«Oui, on veut faire de l’argent, mais, à la base, la motivation première, c’était de faire un jeu qui allait rendre les gens heureux et qui allait les faire sentir comme des enfants en 1992 dans le sous-sol de leur cousin, à déballer une nouvelle cassette et se dire que c’est complètement malade», illustre-t-il.
Un avenir teinté par The Messenger
Chose certaine, les fans du premier jeu de Sabotage peuvent se montrer rassurés, le studio n’envisage pas de virage à 180 degrés pour «l’après-Messenger».
«L’esthétique rétro et le design moderne, c’est vraiment ce qui nous caractérise. La plupart des jeux que l’on compte faire dans les prochaines années vont avoir un look d’antan, mais, sous le capot, il va y avoir des trucs que l’on ne pouvait juste pas faire à cette époque-là», prévoit Martin.
Ainsi, Sabotage compte toujours revisiter des styles qui ont marqué le passé, mais tout en prenant en considération la réalité de 2019, avec ses possibilités, mais aussi ses contraintes modernes.
«Il y a tellement de jeux qui sortent, il faut respecter le temps que les gens ont pour jouer. Il y a même du monde qui ne joue presque plus et qui ne fait que regarder d’autres personnes jouer. Il faut garder en tête tous ces facteurs-là qui font que le gaming évolue», note le cofondateur.
Cela dit, même si l’équipe commence tranquillement à penser à ses prochains projets, The Messenger restera au cœur de ses efforts pour les prochains mois.
En plus de Picnic Panic, et de possiblement d’autres DLC si le succès de celui-ci est au rendez-vous (!), Sabotage fera entre autres paraître prochainement un édition vinyle de sa trame sonore (format double avec un disque «8 bits» et un autre «16 bits»!) et une version physique du jeu pour la Switch.
Sinon, pour le reste, Martin entretient le suspense, comme seul Sabotage sait le faire.
Seule certitude, le studio a encore plus d’une surprise dans son sac pour les amateurs de The Messenger!
L’industrie du jeu vidéo à Québec
«Quand j’étais plus jeune, je faisais du cinéma. J’aurais rêvé de faire des jeux vidéo, mais je me disais que je ne pourrais jamais en faire au Canada, encore moins au Québec. Tranquillement, l’industrie s’est bâtie à Montréal et un moment donné, ça a commencé aussi à se bâtir à Québec. Aujourd’hui, je me rends compte que ce que je pensais impossible un jour, je suis en train de le vivre.»
La relation entre les studios de Québec
«On est tous des chums. Il y a une belle camaraderie et de l’entraide. On a des chaînes Slack où on se donne des trucs. Les gens sont zéro en compétition. [...] Avec le CAMP, Catapulte et le Pixel Challenge, c’est un bel écosystème stimulant et agréable. Quand quelqu’un a un succès, ça se reflète sur tout le monde.»
La traduction québécoise de The Messenger
«C’était presque un gag, on se demandait si on faisait une version québécoise. Thierry, c’est vraiment un conteur né. Les textes de base sont en anglais, mais on se disait que si Thierry les écrivait comme il parle dans le day to day en français, ce serait hilarant. Finalement, il a donné un gros coup à la toute fin. Ça a tellement fait plaisir à des joueurs québécois. Ça a fait rire le monde.»
Le courant nostalgique dans le monde des jeux vidéo
«Je pense que les gens qui ont grandi avec les jeux vidéo ont la nostalgie d’une époque où les jeux étaient plus simples. Il y a aussi le côté de la musique en chiptune, les graphiques en pixel art. Je crois que la nostalgie a toujours été là, mais qu’il y a une résurgence avec l’arrivée des boutiques [de jeux rétro]. Les gamers sont devenus des adultes un moment donné et ils ont maintenant les revenus pour se payer ces loisirs-là.»
La réaction envers The Messenger au Japon
«Pour nous, c’était un questionnement. On se disait : un Japonais qui arrive et qui fait un jeu de coureur des bois avec du sirop d’érable et de chemises carreautées, on trouverait ça bizarre, mais, nous, on fait un jeu de ninja qui se passe dans un environnement très asiatique. Finalement, on est allé là-bas et la réception a été très, très bonne.»
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