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Sonde Parker Solar Probe: objectif soleil

La sonde américaine veut "toucher" le Soleil. Une prouesse qui devrait changer la connaissance de notre étoile.

Ils savent qu'avec cette mission l'homme tente de réussir un exploit inachevé de la mythologie Grecque : toucher le Soleil. Tout comme Icare, les ingénieurs de l'Agence spatiale américaine (Nasa) s'y brûleront-ils les ailes ? Samedi 11 août à 9h33 (heure de Paris) depuis le pas de tirs 37 de la base de Cap Canaveral (Californie) la gigantesque fusée Delta IV Heavy doit décoller avec à son bord, Parker Solar Probe (PSP). "Cette sonde va révolutionner notre compréhension du Soleil, la seule étoile que nous pouvons étudier de près"a résumé Nicky Fox, la responsable scientifique du projet, astrophysicienne à l'université Johns Hopkins (Baltimore), durant l'une de ses conférences de presse avant le lancement.  

Une mission ambitieuse

Il arrive parfois que la Nasa survende quelque peu ses programmes étant donnés leurs coûts colossaux. Avec un budget de 1,5 milliard de dollars, PSP n'échappe pas à la règle. Notamment en embarquant une puce électronique sur laquelle a été gravé les noms de 1,1 million de quidams qui ont pu s'inscrire sur Internet afin d'espérer virtuellement frôler l'enfer. Cette initiative gadget ne doit pas faire oublier l'essentiel : scientifiquement, cette mission s'impose comme l'une des plus ambitieuses de la décennie.  

Quelques jours avant son lancement et au terme d'une minutieuse campagne de tests,  la sonde Parker Solar Probe a été placée sous la coiffe de la fusée Delta IV Heavy, avant d'être transportée sur le pas de tirs 37 de la célèbre base Cap Canaveral (Floride).

Quelques jours avant son lancement et au terme d'une minutieuse campagne de tests, la sonde Parker Solar Probe a été placée sous la coiffe de la fusée Delta IV Heavy, avant d'être transportée sur le pas de tirs 37 de la célèbre base Cap Canaveral (Floride).

NASA/Johns Hopkins APL/Ed Whitman

"Le Soleil est un laboratoire géant où s'exercent la plupart des processus de la physique moderne et nous apparaît comme une pierre de Rosette pour mieux comprendre l'univers", met en perspective Allan Sacha Brun, Directeur du laboratoire LDE3 au Commissariat à l'énergie atomique (Cea) de Saclay (Essonne). Envoyer un vaisseau en direction du Soleil est donc apparu comme une nécessité dès les années 1950. Depuis, une bonne douzaine de sondes ont permis d'en améliorer grandement la connaissance. "Mais à cause de la chaleur dégagée, elles n'ont pu qu'orbiter autour et souvent à de grandes distances, tandis que, pour la première fois, PSP va effectuer des mesures in-situ, au coeur de la couronne solaire", précise Kader Amsif, responsable des programmes Soleil de l'Agence spatiale française (Cnes), associée au projet américain. 

Des températures dantesques

Avant d'en arriver là, le vaisseau, pas plus gros qu'une voiture (610 kilos), va faire un long voyage. Qui le verra passer sept fois autour de Vénus profitant de son assistance gravitationnelle afin d'accélérer sa vitesse. "Il fallait absolument utiliser cette planète tellurique située entre nous et le Soleil parce qu'à proximité de notre étoile, le champ de gravité est si intense que des changements d'orbites successifs eurent été trop gourmands en carburant", précise Kader Amsif. 

Surtout, avec une masse 330 000 fois plus grande que la Terre, l'astre solaire pourrait gober en quelques secondes la petite sonde. D'où l'obligation de s'en approcher avec la vélocité d'une comète pour mieux échapper à ses griffes. Fin septembre ou début octobre, PSP fera son premier survol de Vénus et atteindra dès novembre son point le plus près du Soleil (périhélie) à 25 millions de kilomètres. Puis, tout au long des sept années de sa mission, elle effectuera 25 révolutions elliptiques, prenant toujours plus de vitesse - en 2024, elle devrait se déplacer à 700 000 km/h ce qui en fera le vaisseau le plus rapide de l'histoire de la conquête spatiale. 

Pour s'approcher de notre étoile sans se brûler les panneaux la sonde effectuera  7 passages autour de Vénus afin de profiter de son assistance gravitationnelle et accélérer sa vitesse. En 2024, elle évoluera à 700 000 km/h pour "frôler" le Soleil à 5 800 kilomètre de sa surface.

Pour s'approcher de notre étoile sans se brûler les panneaux la sonde effectuera 7 passages autour de Vénus afin de profiter de son assistance gravitationnelle et accélérer sa vitesse. En 2024, elle évoluera à 700 000 km/h pour "frôler" le Soleil à 5 800 kilomètre de sa surface.

Nasa

A son bord, une pléiade d'instruments : des antennes électriques, des magnétomètres, des détecteurs de champs magnétiques et une caméra. "Au plus près, Parker Solar Probe devrait se situer à 6 millions de kilomètres de la surface solaire où elle aura à affronter une température dantesque (1 300°C.), si bien qu'il a fallu se montrer raisonnable en termes d'instrumentations", reconnaît Philippe Lamy, chercheur émérite de Cnrs au laboratoire Latmos de Guyancourt (Yvelines) et co-expérimentateur scientifique de l'imageur embarqué WISPR

Pour se protéger, surtout de la luminosité intense, PSP dispose d'un large bouclier (2,4 mètres de diamètre), épais de 11,4 centimètres et pesant 72,5 kilos. "Il se compose de deux panneaux en fibres de carbone prenant en sandwich un noyau de mousse et, pour la face exposée au Soleil, se trouve peint en blanc brillant, une peinture céramique dont la composition reste classée secret-défense", détaille Marianne Balat-Pichelin, directrice adjointe du laboratoire Promes (Cnrs) qui exploite le four solaire géant d'Odeillo (Pyrénées). 

Ce grand équipement, unique en son genre, doté d'un miroir parabolique de plus de 2 500 mètres carrés et d'une chambre à vide a été choisi par la Nasa afin d'effectuer les tests thermiques de la plupart des composants de PSP. Pour s'alimenter en énergie, la sonde dispose de deux panneaux solaires, montés sur des bras motorisés qui peuvent se rétracter et se placer à l'abri derrière le bouclier durant les phases critiques. Enfin, l'intérieur a fait l'objet d'un soin particulier : le câblage électrique a été réalisé en niobium, les puces électroniques sont en tungstène - le métal ayant le point de fusion le plus élevé connu (3 222°C) -, et l'engin dispose d'un système de refroidissement par de l'eau déionisée sous pression. 

L'énigme de la couronne solaire

Mais le jeu en vaut largement la chandelle. PSP devrait plonger dans la couronne solaire, cette sorte "d'atmosphère" mystérieuse qui se compose à 95% d'hydrogène, d'hélium (4%) et d'ions lourds (fer et carbone) et s'étend sur plusieurs millions de kilomètres. "Grâce à notre caméra embarquée, il y a une grande excitation des astrophysiciens à voir à quoi elle ressemble de près", renchérit Philippe Lamy. Voilà maintenant quatre-vingts ans qu'ils espèrent en percer l'énigme : avec plus de 1 million de degrés Celsius, elle est 300 fois plus chaude que la surface de l'astre (5 800°C.). Incompréhensible ! Comme si l'on s'éloignait d'un feu de cheminé et que l'air devenait toujours plus ardent...  

Le champ magnétique créé des trous coronaux (ci-dessus) à l'origine des énigmatiques vents solaires qui s'échappent  à travers le système solaire.

Le champ magnétique créé des trous coronaux (ci-dessus) à l'origine des énigmatiques vents solaires qui s'échappent à travers le système solaire.

NASA/Solar Dynamics Observatory

"Pour qu'il y ait chauffage, il faut un transfert d'énergie. Soit il provient d'ondes dites d'Alfven issues du champ magnétique du Soleil, soit il s'agit d'un phénomène de reconnexion magnétique lié à des nano-éruptions difficiles à observer", explique Thierry Dudok de Wit, physicien à l'université d'Orléans dont le laboratoire LPC2E a conçu un magnétomètre triaxial de mesure du champ magnétique, le seul instrument non-américain de la mission. 

Le souffle d'Apollon

L'autre grand mystère que va tenter d'élucider la sonde Parker Solar Probe est l'origine des vents solaires. "Chaque seconde, notre étoile éjecte 1 million de tonnes de plasma créant ces fameux vents si puissants qu'ils se diffusent à travers le système solaire", éclaire Milan Maksimovic du laboratoire Lesia de Meudon (Obspm/Cnrs) qui figure parmi les coordinateurs scientifiques de la mission. Il en existe de deux types : un lent (de 200 à 400 km/s) et un rapide (de 600 à 800 km/s), associés à des régions particulières de la couronne et qui dépendent aussi de son activité. "Plus la couronne est chaude, plus la vitesse des vents solaires est grande jusqu'à atteindre des "bangs" supersoniques dans la très haute atmosphère (entre 5 et 10 rayons solaires), poursuit le chercheur.  

Chaque seconde, notre étoile éjecte 1 million de tonnes de plasma créant ces fameux vents si puissants qu'ils se diffusent à travers le système solaire

Chaque seconde, notre étoile éjecte 1 million de tonnes de plasma créant ces fameux vents si puissants qu'ils se diffusent à travers le système solaire

NASA/SDO

Comprendre ce processus d'accélération est capital parce que les orages ou bourrasques magnétiques engendrés ont des effets sur chacun des astres du système solaire". C'est-à-dire sur les comètes, les astéroïdes mais aussi notre Lune dont le sol, à l'origine solide, a été érodé sous leur influence avant d'être réduit en poussières. Idem pour Mars : les vents solaires ont pelé son atmosphère, provoquant l'évaporation de ses océans et, peut-être, faisant disparaître toute trace de vie à sa surface... 

Menaces sur la Terre

Et sur Terre ? "Les tempêtes solaires ont un impact sur le champ magnétique de notre planète avec des manifestations sympathiques, à savoir les aurores boréales, mais aussi des conséquences dramatiques en produisant des courants électriques perturbateurs", explique Thierry Dudok de Wit. Comme à Montréal le 13 mars 1989, lorsque la ville fut plongée dans le noir durant neuf heures après une gigantesque panne. 

Aurore boréale au nord de la la Russie

Aurore boréale au nord de la la Russie

Getty Images/iStockphoto

Selon des économistes américains de l'université de Harvard, si une méga éruption solaire frappait la Terre, elle pourrait engendrer jusqu'à 8 500 milliards de dollars de dégâts : black out électrique, ordinateurs paralysés, perturbations radio, plus de radar, plus de portable, plus de wifi, plus de GPS... Et dans les airs, faute de moyen de navigation optimal, le transport aérien serait perturbé et, plus haut, les satellites endommagés. Résultat ? Les scientifiques ne cessent de tirer la sonnette d'alarme : selon l'Américain Pete Riley qui a publié une étude dans la revue Space Weather, l'humanité a 1 chance sur 10 de connaître une telle catastrophe dans les dix prochaines années ! D'où l'intérêt, à terme, de mettre en place une "météorologie solaire" afin de prévenir ces risques. 

"Nous sommes loin de faire de la prévision fiable parce que les modèles numériques de fonctionnement du Soleil demeurent imparfaits, mais nous travaillons à les améliorer", explique Allan Sacha Brun. Mieux prévoir le temps dans notre système solaire sera pourtant, à l'avenir, une condition première pour envoyer des astronautes en direction de Mars ou d'ailleurs. Atteindre d'abord, comme le chantait Brel, "l'inaccessible étoile" pour espérer aller plus loin. Telle est la quête de Parker Solar Probe.  

ZOOM : Parker, le précurseur

Dr. Eugene Parker, University of Chicago astrophysicist, looks on after receiving a NASA Distinguished Public Service Medal during the NASA announcement on its first mission to fly directly into the sun's atmosphere at the University of Chicago in Chicago, Illinois, U.S. May 31, 2017. REUTERS/Kamil Krzaczynski - RC1D5BAC5BB0

Dr. Eugene Parker, University of Chicago astrophysicist, looks on after receiving a NASA Distinguished Public Service Medal during the NASA announcement on its first mission to fly directly into the sun's atmosphere at the University of Chicago in Chicago, Illinois, U.S. May 31, 2017. REUTERS/Kamil Krzaczynski - RC1D5BAC5BB0

REUTERS

C'est la première fois que la Nasa donne le nom d'une personne vivante à un vaisseau spatial. Mais Eugène Parker, 90 ans, professeur émérite à l'université de Chicago est un géant de l'Astrophysique.Il a été le premier à définir les vents solaires en 1958 et a élaboré la première explication sur la différence de température entre la surface et la couronne solaires  

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