Des chercheurs américains ont enregistré un signal radio qui pourrait trahir la naissance de ces mastodontes 180 millions d'années après le Big Bang.
Quand se sont allumées les premières étoiles de l'univers, des mastodontes au rayonnement ultraviolet très intense et à la durée de vie très brève? Les astronomes ne le savent pas avec certitude. Une (petite) équipe d'astronomes de l'université d'État d'Arizona et du MIT pense néanmoins avoir détecté pour la première fois une trace indirecte de leur apparition, qui permettrait de faire débuter cette «aube cosmique» au plus tard 180 millions d'années après le Big Bang (l'univers est aujourd'hui âgé de 13,8 milliards d'années). Leur découverte, qui devra être confirmée par des expériences indépendantes, est publiée dans la revue Nature.
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C'est potentiellement l'observation astronomique la plus importante depuis la détection des premières ondes gravitationnelles en 2015, estiment différents astrophysiciens. «Sur le plan scientifique, c'est très beau, un vrai cas d'école, en trois étapes: une théorie prévoit l'existence d'un phénomène physique, des chercheurs construisent un instrument dédié à sa mesure, le signal anticipé est détecté», félicite Hervé Dole, professeur à l'Institut d'astrophysique spatiale et vice-président de l'université Paris-Sud.
Avec ce petit supplément d'âme: ces travaux n'ont pas mobilisé des milliers de chercheurs, ni nécessité d'installations particulièrement dispendieuses, comme c'est souvent le cas aujourd'hui. C'est une «simple» antenne de la taille d'une table posée sur une grande grille réflectrice qui a permis d'observer le précieux signal. Baptisée EDGES, elle est installée dans l'ouest de l'Australie, à l'Observatoire Murchison, une zone isolée très préservée sur le plan électromagnétique. «Ce n'est pas un équipement extrêmement sophistiqué», commente Benoît Semelin, cosmologiste à l'Observatoire de Paris. «Il ne fait que recueillir d'un bloc les ondes radios provenant de tout le ciel. Cela produit en quelque sorte une image formée d'un seul gros pixel.»
Mais ce «pixel unique» contient une information cachée: les fréquences des ondes radio enregistrées. Les chercheurs observent ainsi une sorte de «creux» autour de 78MHz. Ce dernier correspondrait à un phénomène physique bien identifié: l'absorption d'une partie du rayonnement émis peu après le Big Bang lorsque l'univers était encore très chaud. Pour des raisons complexes, cette absorption est déclenchée par l'apparition des premières étoiles. La fréquence minimale du creux donne alors la date à laquelle l'événement se produit, soit 180 millions d'années environ après le Big Bang.
Sur le papier, la démonstration est très élégante. En pratique, les choses sont néanmoins plus compliquées. Avant de détecter ce creux, le signal originel a dû être copieusement nettoyé. De nombreuses sources d'ondes radio viennent en effet «polluer» la mesure: les émissions provenant de notre galaxie, des couches extérieures ionisées de notre atmosphère, de l'instrument lui-même, les résidus de bande FM, etc. «Même dans un environnement aussi isolé, le signal utile est jusqu'à 10.000 fois plus faible que le bruit environnant», avertit Benoît Semelin. Imaginez que vous ayez à isoler la voix d'une seule personne après avoir enregistré un stade entier en plaçant un micro au milieu de la pelouse...
Un univers primordial deux fois plus froid que prévu
«Beaucoup de précautions d'analyse semblent avoir été prises», souligne Philippe Zarka, radioastronome à l'Observatoire de Paris, mais il est possible que des «problèmes résiduels» non-identifiés aient faussé les résultats, prévient le chercheur. «Si la détection est confirmée, la surprise est que cette absorption est plus importante que prévue par les modèles», ajoute-t-il. Ce qui expliquerait en partie pourquoi les chercheurs ont réussi à la débusquer! Ce serait plutôt une bonne nouvelle pour les instruments en cours de construction, plus chers et plus complexes, qui chercheront cette fois-ci à en dresser des cartes du ciel.
Sur le plan cosmologique, cet écart aurait aussi des implications importantes: cela voudrait dire que l'hydrogène était deux fois plus froid que ne l'envisageaient les théoriciens jusqu'à présent. Dans un papier publié dans la même édition de Nature, Rennan Barkana, physicien à l'université de Tel Aviv, envisage une hypothèse intrigante pour expliquer cette situation: l'hydrogène se serait refroidi au contact de la matière noire, cette mystérieuse substance cinq fois plus abondante que la matière ordinaire dont on ne perçoit en principe que les effets purement gravitationnels.
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