Search

Pitonner sa vie - Le Journal de Montréal

Partout, des têtes penchées. 

Au resto, sur le bord de la piscine, à la plage, au bar, tous, la tête penchée sur leur téléphone, à écrire je ne sais quoi à je ne sais qui. 

Une épidémie 

Chaque fois que je fous le camp dans le Sud, ça me frappe, mais cette année, c’était pire. 

Une vraie maladie mentale. 

À la table de gauche, une famille de cinq personnes toutes la tête penchée sur leur cell. 

À la table de droite, un grand-père, son fils et son petit-fils, tous la tête penchée sur leur cell. 

Derrière, un couple et leurs deux enfants, tous la tête penchée sur leur cell. 

C’était comme ça au petit-déjeuner, au lunch et au souper. 

Au bar, quand on attendait que l’hôtesse vienne nous chercher pour nous amener à notre table, huit personnes à droite et quatre personnes à gauche pitonnaient furieusement, pendant qu’on jouait à un jeu de société avec fiston.   

Coudonc, ils regardent quoi, au juste ? 

Les vacances, ce n’est pas fait pour se retrouver ? Pour se parler ? Pour passer — enfin — du temps ensemble ? 

Pour rigoler, faire le point, construire des châteaux en Espagne, parler des bons coups de l’année passée et préparer ceux de l’année prochaine ? 

Qu’est-ce qu’ils ont à se fuir comme cela ? 

Leurs amis virtuels qui vivent à l’autre bout du monde et qui ne lèveraient jamais un doigt pour eux sont plus importants que leurs enfants, leurs parents et leur conjoint(e) ? 

La théorie de la dévolution 

Avant, sur le bord de la piscine, on pouvait voir des gens lire, couchés sur leur serviette. 

Parfois des romans de gare, parfois des essais plus sérieux, comme Sapiens, de Yuval Noah Harari. 

Mais cette année, on pouvait compter les lecteurs sur les doigts des deux mains. 

À la place, les gens pitonnent. 

La tête penchée sur leur cell. 

Des jeunes, des mémés, des papas, des enfants. 

Pourquoi lire quand on peut jouer à Candy Crush

Quand ils lèvent enfin la tête, après 45 minutes à fixer leur écran comme des junkies accrochés à leur seringue, c’est pour tenir leur cell à bout de bras et se prendre en selfie, avec un sourire forcé, pour montrer à la planète entière à quel point ils s’éclatent comme des fous.   

Puis ils retrouvent leur air bête, rebaissent les bras et penchent de nouveau la tête. 

Les uns à côté des autres. 

Pas le temps de m’amuser avec vous, les amis, faut que je pitonne. 

Je pitonne au bureau, et quand je prends des vacances, j’en profite pour pitonner. 

On dirait des vaches qui broutent... 

Dans le coffre-fort 

Oh, j’ai pitonné, moi aussi. 

Mais le matin avant de partir et à la fin de l’après-midi, quand on se préparait pour sortir souper. 

C’était la période « chacun pour soi ».   

Mais dans la journée et au cours de la soirée, nos cells dormaient dans le coffre-fort avec nos passeports et nos montres. 

Trump pouvait déclarer la guerre à l’Iran (ou, pire : le Bye Bye pouvait avoir laissé les gens sur leur faim), on ne l’apprendrait qu’à 18 heures, en sortant de la douche.   

Ce n’est pas fait pour ça, les vacances ? 

Let's block ads! (Why?)

https://news.google.com/__i/rss/rd/articles/CBMiPGh0dHBzOi8vd3d3LmpvdXJuYWxkZW1vbnRyZWFsLmNvbS8yMDIwLzAxLzA2L3BpdG9ubmVyLXNhLXZpZdIBAA?oc=5

Bagikan Berita Ini

0 Response to "Pitonner sa vie - Le Journal de Montréal"

Post a Comment

Powered by Blogger.